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LE RAISIN VERT

— Dites donc, vous ! Vous allez laisser mes sœurs tranquilles ? Il y a longtemps que je vous tiens à l’œil, vous savez ? Le pauv’ type, tout à l’heure, hein, le pauv’ type, vous l’avez fait exprès, de le faire tomber ? Eh bien ! maintenant, vous allez y aller, à genoux, sur le parquet, et demander pardon à mes sœurs. Allez ! À genoux ! Saleté !

Nina se tord, essaie d’échapper, mais elle fléchit peu à peu sous la pesée d’une jeune force décuplée par la rage. Ses poignets blanchissent entre les doigts qui les encerclent, son visage grimace, elle gémit :

— Ahi… Ahi… sale brute !

Et le Corbiau passe sur son front une main égarée et murmure tout bas :

— Je t’en prie, Laurent, oh ! je t’en prie…

Tout cela n’a pas duré dix secondes, et ils sont tous si bouleversés que personne n’a vu arriver M. Durras.

Un soufflet retentissant s’abat sur la joue de Laurent.

— Voyou ! Brutaliser une femme !

Le jeune garçon lâche les poignets de Nina, se retourne avec une sorte de lenteur effrayante. Une joue marbrée de rouge, l’autre blême, il ne regarde plus personne. Ses yeux égarés fixent un point dans l’espace et, lentement, ses poings serrés s’élèvent — défense ou menace, on ne sait.

— Et alors ? dit Amédée, de sa voix nasale.

Lui-même est livide, immobile à sa place, les bras croisés.

C’est alors que le Corbiau esquisse de l’un à l’autre quelques pas chancelants, étend les mains comme pour se suspendre aux manches flottantes du Pierrot et tombe sur lui, molle, pesante, heurtant le mur du front.

Un brouhaha monte de la salle de danse. Des professeurs accourent, les directrices, des mères, des enfants…