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des deux Indes.
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par le pied, ſans s’embarraſſer des fruits dont ils ne font aucun cas ; & ils le dépècent en tronçons, pour en tirer la moëlle ou la farine qu’ils renferment. Après que cette ſubſtance a été délayée dans l’eau, on la coule à travers une eſpèce de tamis, qui retient les parties les plus groſſières. Ce qui a paſſé eſt jetté dans des moules de terre, où la pâte sèche & durcit pour des années entières. On mange le fagou ſimplement délayé avec de l’eau, bouilli ou converti en pain. L’humanité des Indiens réſerve la fleur de cette farine aux vieillards & aux malades. Elle eſt, quelquefois réduite en une gelée blanche & très-délicate.

Un peuple ſobre, indépendant, ennemi du travail, avoit vécu des ſiècles avec la farine de fagou & l’eau du cocotier, quand les Chinois, ayant abordé par haſard aux Moluques dans le moyen âge, y découvrirent le girofle & la muſcade, deux épiceries précieuſes que les anciens n’avoient pas connues. Le goût en fut bientôt répandu aux Indes, d’où il paſſa en Perſe & en Europe. Les Arabes, qui tenoient alors dans leurs mains preſque tout le commerce de