Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/211

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Ce n’eſt pas au Roi de Pruſſe, c’eſt à Louis XIV qu’il faut attribuer cette exceſſive multiplication de troupes qui nous offre le ſpectacle de la guerre juſque dans le ſein de la paix. En tenant toujours ſur pied des armées prodigieuſes, l’orgueilleux monarque réduiſit ſes voiſins ou ſes ennemis à des efforts à-peu-près ſemblables. La contagion gagna même les princes, trop foibles pour allumer des incendies, trop pauvres pour les entretenir. Ils vendirent le ſang de leurs légions aux grandes puiſſances ; & le nombre des ſoldats s’éleva peu-à-peu en Europe juſqu’à deux millions.

On parle avec horreur des ſiècles de barbarie ; & cependant la guerre étoit alors un état violent, un tems d’orage : aujourd’hui, c’eſt preſque un état naturel. La plupart des gouvernemens ſont ou deviennent militaires. La perfection même de la diſcipline en eſt une preuve. La sûreté dans les campagnes, la tranquilité dans les villes, ſoit que les troupes y paſſent ou qu’elles y séjournent, la police qui règne autour des camps & dans les places de garniſon, annoncent bien que les armes ont un frein ;