Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/256

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pauvre qui devient redoutable à une nation riche. La force eſt aujourd’hui du côté des richeſſes, parce qu’elles ne ſont plus le fruit de la conquête, mais l’ouvrage des travaux aſſidus & d’une vie entièrement occupée. L’or & l’argent ne corrompent que les âmes oiſives qui jouiſſent des délices du luxe, au séjour des intrigues & des baſſeſſes, qu’on appelle grandeur. Mais ces métaux occupent les bras & les doigts du peuple ; mais ils excitent dans les campagnes, à reproduire ; dans les villes maritimes, à naviguer ; dans le centre d’un état, à fabriquer des armes, des habits, des meubles, des édifices. L’homme eſt aux priſes avec la nature : ſans ceſſe il la modifie, & ſans ceſſe il en eſt modifié. Les peuples ſont taillés & façonnés par les arts qu’ils exercent. Si quelques métiers amolliſſent & dégradent l’eſpèce, elle s’endurcit & ſe répare dans d’autres. S’il eſt vrai que l’art la dénature, du-moins elle ne ſe repeuple pas pour ſe détruire, comme chez les nations barbares des tems héroïques. Sans doute, il eſt facile, il eſt beau de peindre les Romains avec le ſeul art de la guerre, ſubjuguant tous les autres arts, toutes les nations