Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/48

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un premier deſpote ne laiſſe preſque jamais de mal à faire à un ſecond. D’ailleurs, comment un grand-ſeigneur abruti dans les voluptés d’un sérail ſoupçonneroit-il que l’adminiſtration de ſes états eſt déteſtable ? comment n’admireroit-il pas la merveilleuſe juſteſſe des reſſorts, l’harmonie prodigieuſe des principes & des moyens qui tous concourent au but unique, au but par excellence, ſa puiſſance la plus illimitée, & la ſervitude la plus profonde de ſes ſujets. Le ſort de tant de prédéceſſeurs ou poignardés ou étranglés, n’en inſtruit aucun.

Jamais les ſultans n’ont changé de principes. Le cimeterre eſt toujours, à Conſtantinople, l’interprète de l’alcoran. Si le sérail ne voit pas le grand-ſeigneur entrer & ſortir, comme le tyran de Maroc, une tête à la main & dégouttant de ſang, une nombreuſe cohorte de ſatellites ſe charge d’exécuter ces meurtres féroces. Le peuple égorgé par ſon maître, égorge auſſi ſon bourreau : mais ſatiſfait de cette vengeance momentanée, il ne ſonge point à la sûreté de l’avenir, au bonheur de ſa poſtérité. C’eſt trop de ſoins pour des Orientaux, que de veiller à la sûreté publique,