Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/482

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défendre ces poſſeſſions lointaines ? Lorſque ces colonies ſeront arrivées au degré de culture, de lumière & de population qui leur convient, ne ſe détacheront-elles pas d’une patrie qui avoit fondé ſa ſplendeur ſur leur proſpérité ? Quelle ſera l’époque de cette révolution ? On l’ignore : mais il faut qu’elle ſe faſſe.

L’Europe doit au Nouveau-Monde quelques commodités, quelques voluptés. Mais avant d’avoir obtenu ces jouiſſances, étions-nous moins ſains, moins robuſtes, moins intelligens, moins heureux ? Ces frivoles avantages, ſi cruellement obtenus, ſi inégalement partagés, ſi opiniâtrement diſputés, valent-ils une goutte du ſang qu’on a verſé & qu’on verſera ? Sont-ils à comparer à la vie d’un ſeul homme ? Combien n’en a-t-on pas ſacrifié, n’en ſacrifie-t-on pas, n’en ſacrifiera-t-on pas dans la ſuite, pour fournir à des beſoins chimériques, dont ni l’autorité, ni la raiſon, ne nous délivreront jamais ?

Les voyages ſur toutes les mers ont affoibli la morgue nationale ; inſpiré la tolérance civile & religieuſe ; ramené le lien de la confraternité originelle ; inſpiré les vrais