Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/53

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ſociété d’hommes ? S’ils diſent, nous ſommes bien ici ; s’ils diſent même d’accord, nous y ſommes mal, mais nous voulons y reſter ; il faut tâcher de les éclairer, de les détromper, de les amener à des vues ſaines, par la voie de la perſuaſion, mais jamais par celle de la force. Le meilleur des princes, qui auroit fait le bien contre la volonté générale, ſeroit criminel, par la ſeule raiſon qu’il auroit outrepaſſé ſes droits. Il ſeroit criminel pour le préſent & pour l’avenir : car, s’il eſt éclairé & juſte, ſon ſucceſſeur, ſans être héritier de ſa raiſon & de ſa vertu, héritera sûrement de ſon autorité, dont la nation ſera la victime. Un premier deſpote juſte, ferme, éclairé, eſt un grand mal ; un ſecond deſpote juſte, ferme, éclairé, ſeroit un plus grand mal ; un troiſième qui leur ſuccéderoit avec ces grandes qualités ſeroit le plus terrible fléau dont une nation pourroit être frappée. On ſort de l’eſclavage où l’on eſt précipité par la violence ; on ne ſort point de celui où l’on a été conduit par le tems & par la juſtice. Si le ſommeil d’un peuple eſt l’avant-coureur de la perte de ſa liberté ; quel ſommeil plus doux, plus profond & plus perfide