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Histoire philosophique
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même leurs vertus. Diſons plus ; nous ne les voyons libres que dans le commerce ; ils ne le deviennent que par les loix qui favoriſent réellement le commerce : & ce qu’il y a d’heureux en cela, c’eſt qu’en même tems qu’il eſt le produit de la liberté, il ſert à la maintenir. On a mal vu l’homme, quand on a imaginé que pour le rendre heureux, il falloit l’accoutumer aux privations. Il eſt vrai que l’habitude des privations diminue la ſomme de nos malheurs : mais en retranchant encore plus ſur nos plaiſirs que ſur nos peines, elle conduit l’homme à l’inſenſibilité plutôt qu’au bonheur. S’il a reçu de la nature un cœur qui demande à ſentir ; ſi ſon imagination le promène ſans ceſſe malgré lui ſur des projets ou des fantômes de félicité qui le flattent, laiſſez à ſon âme inquiète un vaſte champ de jouiſſance à parcourir. Que notre intelligence nous apprenne à voir dans les biens dont nous jouiſſons, des motifs de ne pas regretter ceux auxquels nous ne pouvons atteindre : c’eſt-là le fruit de la ſageſſe. Mais exiger que la raiſon nous perſuade de rejeter ce que nous pourrions ajouter à ce que nous poſſédons, c’eſt contredire la nature, c’eſt