Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/136

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reviennent le ſoir ſans aucun fardeau : nous, nous leur apportons des racines pour leur nourriture & du maïs pour leur boiſſon. De retour chez eux, ils vont s’entretenir avec leurs amis : nous, nous allons chercher du bois & de l’eau pour préparer leur ſouper. Ont-ils mangé, ils s’endorment : nous, nous paſſons la plus grande partie de la nuit à moudre le maïs & à leur faire la chica. Et quelle eſt la récompenſe de nos veilles ? Ils boivent, & quand ils ſont ivres, ils nous traînent par les cheveux & nous foulent aux pieds.

« Ah ! père, plût à Dieu que ma mère m’eût étouffée en naiſſant. Tu ſais toi-même ſi nos plaintes ſont juſtes. Ce que je te dis, tu le vois tous les jours : mais notre plus grand malheur, tu ne ſaurois le connoître. Il eſt triſte pour la pauvre Indienne de ſervir ſon mari comme une eſclave, aux champs accablée de ſueurs & au logis privée de repos. Cependant il eſt plus affreux encore de le voir au bout de vingt ans prendre une autre femme plus jeune qui n’a point de jugement. Il s’attache à elle. Elle frappe nos enfans.