Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v4.djvu/268

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nes ſe jugent & ſe donnent à elles-mêmes le nom qu’elles méritent. Leurs navigateurs arrivent-ils dans une région du Nouveau-Monde qui n’eſt occupée par aucun peuple de l’ancien, auſſi-tôt ils enfouiſſent une petite lame de métal, ſur laquelle ils ont gravé ces mots : Cette contrée nous appartient. Et pourquoi vous appartient-elle ? N’êtes-vous pas auſſi injuſtes, auſſi inſensés que des ſauvages portés par haſard ſur vos côtes, s’ils écrivoient ſur le ſable de votre rivage ou ſur l’écorce de vos arbres : Ce pays est à nous. Vous n’avez aucun droit ſur les productions inſenſibles & brutes de la terre où vous abordez, & vous vous en arrogez un ſur l’homme votre ſemblable. Au lieu de reconnoître dans cet homme un frère, vous n’y voyez qu’un eſclave, une bête de ſomme. Ô mes concitoyens ! vous penſez ainſi, vous en uſez de cette manière ; & vous avez des notions de juſtice ; une morale, une religion ſainte, une mère commune avec ceux que vous traitez ſi tyranniquement. Ce reproche doit s’adreſſer plus particulièrement aux Eſpagnols ; & il va être malheureuſement juſtifié encore par leurs forfaits dans le Chili.