Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v6.djvu/220

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ſenſible puiſſe éprouver. S’il n’y a, ſous le ciel, aucune puiſſance qui puiſſe changer mon organiſation & m’abrutir, il n’y en a aucune qui puiſſe diſpoſer de ma liberté. Dieu eſt mon père, & non pas mon maître. Je ſuis ſon enfant, & non ſon eſclave. Comment accorderois-je donc au pouvoir de la politique, ce que je refuſe à la toute puiſſance divine ?

Ces vérités éternelles & immuables, le fondement de toute morale, la baſe de tout gouvernement raiſonnable, ſeront-elles conteſtées ? Oui ! & ce ſera une barbare & ſordide avarice qui aura cette homicide audace. Voyez cet armateur qui, courbé ſur ſon bureau, règle, la plume à la main, le nombre des attentats qu’il peut faire commettre ſur les côtes de Guinée ; qui examine à loiſir, de quel nombre de fuſils il aura beſoin pour obtenir un nègre, de chaînes pour le tenir garotté ſur ſon navire, de fouets pour le faire travailler ; qui calcule, de ſang-froid, combien lui vaudra chaque goutte de ſang, dont cet eſclave arroſera ſon habitation ; qui diſcute ſi la négreſſe donnera plus ou moins à ſa terre par les travaux de