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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/15

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appartient au repos, à la méditation ou aux travaux spirituels, et non point à des causeries profanes. Adieu donc, et à une autre fois !

— Mon père, repris-je sans l’écouter, j’ai quelque chose de très important à vous confier, mais je désirerais être seul avec vous.

Coccone, surpris, congédia d’un geste la jeune servante, puis, la rappelant :

— Nérina, dit-il, mettez à chauffer le macaroni ; vous me le rapporterez tout à l’heure.

Il coula un regard de concupiscence vers le plat qu’on lui enlevait et m’adressa ces paroles :

— Lorenzo, n’espérez pas vous servir de moi comme vous en avez l’habitude ; je n’accepterai plus de jouer le rôle que vous m’aviez imposé, car j’en comprends maintenant toute l’ignominie.

Coccone me rappelait une vieille histoire du Carême. Au moment de faire mes pâques, je quittai Carlona et, afin d’oublier l’attrait de ses luxures, je priai l’abbé de me présenter à une dame vertueuse et pleine d’esprit, la marquise Bentivoglio, jeune épousée qui s’était arrêtée à Venise avant de retourner dans les domaines de son mari. Je pensais que ma sagesse profiterait à son école. Hélas ! nous ne fûmes pas maîtres de nos désirs.

— Mon père, dis-je en m’agenouillant aux pieds de l’abbé, je suis un grand coupable, mais du moins à présent ne pécherai-je plus, car j’ai détruit la cause de toutes mes défaillances ; j’avais un amour que Dieu réprouve pour une femme indigne : or je viens justement ce soir de la tuer,

— Tué ! Tué ! Tué ! Vous ! vous avez tué une femme, s’écria Coccone en crachant d’émotion le macaroni qui pendait à ses lèvres.

Heureusement il se remit vite et ce fut par simple politesse qu’il ajouta :