En effet, des exhalaisons fétides, une odeur de graisse et de choux brûlés, nous arrivaient des cuisines.
— Est-ce que vous vous mêlez de pharmacie ? demanda l’abbé Coccone auquel je ne vis jamais si grimaçante figure.
— Oui, répondit le père, ou plutôt nous abandonnons ces besognes à des frères qui sont attachés à notre ordre, sans être astreints à toutes nos dévotions. Les uns s’en vont dans les campagnes voisines, chercher des simples ; les autres, avec les herbes qu’on leur rapporte, composent une liqueur régénératrice dont la recette, trouvée par l’un de nos frères, est conservée dans nos archives.
— Et pourquoi ne fabriquez-vous pas vous-mêmes cette liqueur ?
— Parce que la règle nous le défend.
— Comment ! Mais c’est vous qui l’avez faite, cette règle !
— C’est une raison de plus pour m’y soumettre. D’ailleurs je l’ai composée sous la dictée du Saint-Esprit. N’est-il pas dit : Les lys ne filent point, les…
— Je sais ! je sais ! interrompit l’abbé Coccone. Mais vous profitez du travail des autres.
— Le monastère seul en profite pour la plus grande gloire de Dieu !
Le père Romuald courut chercher la clef de la chapelle, car, à Notre-Dame-des-Bois, tout était renfermé, le bon Dieu aussi bien que les provisions. Je regardai s’étaler sur les dalles ses larges pieds nus, dont les doigts, meurtris et gonflés, ressemblaient à des coquilles de limaçons, tandis que nous nous communiquions librement, les uns aux autres, les pensées qu’avait fait naître ce pieux départ.
— Ce doit être un vieil avare, remarqua l’abbé Coccone.