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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/230

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— Il pourrait bien avoir beaucoup d’or, ce moinillon, ajouta le cardinal.

Après avoir prié quelque temps à haute voix dans une chapelle aussi nue que le crâne de Romuald, nous gagnâmes les cellules où nous allions passer la nuit, et nous y attendîmes l’heure du souper.

Ce repas causait à tout le monde de grandes inquiétudes. On craignait que le père Romuald, par ostentation d’austérité plus encore que par économie, ne se souciât point de rassasier ses hôtes, dont le voyage avait fort excité l’appétit. Pour moi, qui ne pouvais paraître au réfectoire où j’aurais forcément trahi mon sexe, je ne sais ce que j’aurais mangé ce soir-là sans la prévoyance d’Arrivabene. Mais le frère avait eu la précaution de glisser dans une poche de son froc un pâté, du pain, des fruits, un flacon de vin, et, tandis que Fasol s’en allait partager les pois chiches et les raves du père Romuald, je soignai bien ma petite gourmandise et je me traitai avec autant d’honneur que si j’eusse été à l’ostérie de la Noix, à une table présidée par le seigneur Bernardo Malaspina si amateur, comme on sait, des friandises de la bouche, et qui a reporté sur son ventre l’attention qu’il témoignait autrefois à des parties plus précieuses de sa personne.

La nuit venait lentement et Fasol ne remontait point. Fatiguée de la route, j’allais m’étendre sur la couchette que l’on m’avait préparée, quand, à côté de moi, je vis briller une lueur et je surpris des chuchotements. Je reconnus que, dans la muraille, il y avait un trou, large comme deux doigts, par lequel on pouvait communiquer avec la cellule voisine, sans toutefois que l’épaisseur des murs permît de voir ce qui s’y passait. Une parole s’élevait, caressante et charmeuse et, pour l’écouter, j’approchai l’oreille de l’ouverture.