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Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/43

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— Tiens ! papa, la voilà, fis-je en accourant, et je lui montrai la robe blanche bordée d’une bande de velours rouge.

— Tu as raison, c’est une robe pour la dogaresse… Comme tu vas être jolie maintenant, Seigneur Jésus ! Et quand je pense que ta gueuse de mère… mais je ne veux pas en dire plus long sur elle aujourd’hui.

Lorsqu’il m’eut habillée, lentement, parce que ses gros doigts avaient peine à saisir les petits boutons et à les entrer dans les boutonnières :

— Et Guido, que va-t-il devenir ? Il n’a donc pas de pourpoint convenable pour la fête… Ah ! mes pauvres enfants, heureusement que je vais m’occuper de vous car, je le vois bien, on vous eût laissés aller tout nus.

Guido était ennuyé de sortir avec ses vêtements qui avaient de grandes pièces mal cousues et, çà et là, des trous par lesquels on voyait sa peau. Je remarquai son air chagrin.

— Ne sois pas triste, Guido, fis-je, va ! je t’aime bien.

Et d’un baiser je lui pris toute la bouche.

Il rougit, et, à son tour, me baisa en rougissant, mais je savais qu’il était très heureux de ce que je lui avais dit.

— Non, s’écria-t-il, je ne veux pas t’accompagner, parce que tu es trop belle pour moi avec ta robe. J’aurais honte.

— Alors, dit mon père, va t’amuser avec le fils du boulanger et laisse-nous partir.

Papa lui coupa une tranche de pain et lui donna une jatte de lait pour son souper, puis, le mettant à la porte, il ferma la maison, de crainte des voleurs.

Comme je lui envoyais un baiser du bout des doigts, je le vis fondre en larmes ; ne voulant pas avoir de