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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

— La marier ! m’écriai-je avec une sorte d’indignation.

— Assurément, reprit-il, cela vaudrait mieux. Vous vous épargneriez des tentations inutiles. Mais vous êtes assez vertueuse, madame, pour y résister et je ne veux point vous donner de conseil à ce sujet. Le parti que vous choisirez sera le meilleur, j’en suis convaincu.

Je sortis, plus irritée, plus émue encore que je ne l’étais à mon arrivée. Sans doute, pour qu’on m’accueille ainsi, en souriant, j’ai dû exagérer ma faute. Pourquoi aussi ne serais-je qu’une mère à l’égard de cette enfant ? J’ai encore la jeunesse ; plus d’une fois on m’a dit que j’étais belle, et sans cette clause horrible du testament de ce Gourgueil, qui m’interdit un second mariage à moins que je ne renonce à ses biens, je ne porterais plus aujourd’hui son nom odieux. Mais, au fond, que m’importe ? Quel est l’homme qui saurait être tendre, caressant, soumis ? Le successeur de ce Gourgueil dont la tyrannie m’a été si cruelle, le continuerait ; il faudrait être, comme pour l’autre, une esclave. Et si j’avais un amant, quel scandale dans la colonie ! On s’est trop habitué à me considérer comme une des femmes les plus vertueuses de l’île ; il faut que je porte le poids de ma réputation. Charge bien légère ! Tous ces baisers barbares ne me tentent pas. Toi seule, adorable Antoinette, tu émeus mon être de plaisir. J’oublie que je suis une femme devant toi ; tu m’as donné comme un autre sexe pour t’aimer. O pure, innocente enfant, va ! je te garderai ! tu ne con-