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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


dévouée à mon être, soit qu’une caresse me l’eût conquise, soit que la beauté de mon corps ou la supériorité de ma race exerce sur son esprit quelque fascination, soit enfin que le fouet, quand il m’est arrivé d’en user avec elle, lui ait fait comprendre la force de ma volonté. Mais je n’ai jamais vu cette Dodue-Fleurie, sans ressentir comme un soulèvement de dégoût ; toute sa personne me révolte ; sous ses cotillons de soie brochés d’or et parfumés à la poudre à la maréchale, je sens une odeur d’huile et de chair mal lavée. Elle me produit l’impression d’une latrine décorée somptueusement, et pourtant, moi comme les autres, je me sens dominée par elle, et si elle me regarde en face, à la promenade, je baisse les yeux. Ah ! il ne fallait pas affranchir un pareil monstre ; c’est comme si on ouvrait un cloaque, on serait vite infecté par son débordement. Mais vais-je être injuste envers l’être qui a sauvé mon Antoinette ; ne puis-je dominer ma répugnance et accepter, quel qu’il soit, le secours que m’envoie le Ciel ?

Dès que j’eus pris connaissance de la lettre, je dis à la petite négrillonne que j’irais trouver sa maîtresse, le soir même. Aussitôt elle s’inclina, fit une pirouette de bouffonne, stylée à divertir sa maîtresse, et remonta dans le palanquin qui redescendit très vite vers le Cap, sur les épaules de ses porteurs.

Je n’avais pas hésité un seul instant à lui donner cette réponse ; l’humiliation d’une pareille démarche ne me coûtait pas, ou plutôt j’avais le pressentiment que cette femme allait me parler d’Antoinette et cela