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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


sions du docteur ! Je me rêvais déjà un paradis de jouissance pour moi et ma chère petite Antoinette. Ah ! que j’allais être promptement désabusée !

J’avais courbé vers le docteur une tige de canne, et je lui en faisais remarquer la lourdeur.

— La récolte sera belle, cette année, lui dis-je.

— Oui, répliqua-t-il, si vos noirs veulent bien la faire.

— Encore ! repris-je en souriant, vous êtes donc incorrigible. On ne peut causer un instant avec vous sans que vous ne parliez de la révolte prochaine ! Comme si nos plantations n’étaient pas tranquilles ! Et qui la ferait donc, cette révolte !

— Mais, mon Dieu, les blancs d’abord, et vos esclaves ensuite. Il y a de riches colons, qui voudraient essayer de nouvelles cultures, remplacer la canne par le tabac ; ils n’ont que faire de payer des impôts pour des esclaves qui leurs sont inutiles. Il y a des négociants qui, ayant une quantité énorme de sucre à vendre, ne seraient point fâchés que l’on abandonnât et même que l’on ravageât quelques plantations. Cela renchérirait d’autant leur marchandise. D’autres enfin ont affermé des boutiques à leurs anciens esclaves et en retireraient plus de profit si les commerçants noirs n’étaient pas soumis à certaines impositions. Tous ces gens-là versent, après dîner, des larmes bien sincères sur le sort des malheureux esclaves. Ils sont de la Société des Amis des Noirs, ils vont applaudir Samuel Goring et Figeroux qui réclament pour les hommes de couleur les mêmes droits que pour les blancs. Ils