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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


Comme il est utile pour l’une et l’autre que l’on ignore notre entrevue je vous demanderai de venir vous-même me trouver pendant la fête qu’on donnera ce soir au Cap, en déguisé, ou bien voilée. Vous ne serez pas remarquée au milieu de la foule. Tandis que si j’allais aux Ingas, des personnes que je connais et ne tiens pas à rencontrer pourraient m’y voir. Vous demanderez la maison du sieur Pichon au bout de l’Allée des Lataniers. Elle est à droite. Je demeure derrière, dans un pavillon qui donne sur le jardin. Vous n’avez qu’à traverser la cour, vous y êtes. Encore une fois, madame, je déplore mon audace et les ennuis que vous doit coûter cette visite, et pourtant j’ose espérer que vous n’en aurez point de regret.

« Daignez, Madame, accepter les sentiments de respectueux dévouement avec lesquels je suis votre très humble et très obligeante servante

« Nanette Berthier. »

Ce nom n’est que trop connu au Cap français. Nanette Berthier, que ses amis de couleur appellent Kouma-Toulou, la Langue Joyeuse, et que nous nommons familièrement Dodue-Fleurie, est une fort belle négresse, grande et grasse, une véritable pièce d’Inde[1]. Il n’est point de négociants, de voyageurs de passage à Saint-Domingue qui manquent d’aller souper avec Dodue-Fleurie ; ils croiraient même igno-

  1. Les colons désignaient ainsi un nègre ou une négresse jeune, en bonne santé et de belle conformation, tels enfin que les Portugais avaient coutume d’en acheter pour leurs colonies des Indes.