Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


son amour n’était pas sûr, et que, si je voulais le garder à cause de ses hautes relations et de son pouvoir dans la colonie, je devais me l’attacher autrement que par des baisers ou des servitudes sensuelles. L’or, en un mot, me parut nécessaire pour le dominer, et, sans me soucier de ses plaintes, de ses menaces, de ses colères, j’attirai chez moi tous ceux qui voulaient se ruiner et m’enrichir.

» J’acquis une fortune en très peu de temps ; lorsqu’une femme a quelque empire sur les hommes et veut vraiment parvenir à la toute puissance, ce n’est pour elle qu’un jeu. Mais pour avoir cet homme à moi, bien à moi, il ne me suffisait pas qu’il fût ruiné et que moi, j’eusse des richesses. Il fallait le compromettre, et, avec lui, tous ceux dont j’attendais protection et honneur. Alors la destinée de ces gens dépendrait de ma volonté.

» Voici ce que j’ai fait : j’avais eu à me plaindre, au cours de mes relations amoureuses avec les jeunes gens de l’île, d’un certain Mettereau qui habitait seul une plantation isolée et assez éloignée du Cap ; je savais qu’il était détesté de ses esclaves et surtout de son commandeur, (le vôtre, madame,) ce Figeroux auquel vous avez donné toute votre confiance. Vous pourrez voir tout à l’heure si elle était bien placée. Je savais aussi, par cet homme, que Mettereau, très avare et peu confiant dans les banques et les affaires, avait chez lui des monceaux d’or. Après m’être assuré la complicité du gouverneur je décidai une esclave qui m’est dévouée, à s’en aller trouver Montouroy et

12