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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


pas tout à craindre de leurs soupçons avilissants s’ils prétendent incriminer mon amour pour Antoinette ? Hélas, aux yeux de certains êtres, c’est un crime d’aimer quand ce n’est pas eux qu’on aime.

Le docteur qui est venu me voir, m’a appris leur complot.

— Ces chères femmes, également délaissées de Montouroy, se sont imaginées qu’en mettant en commun leur fortune, et en s’unissant pour le marier à une grosse dot, elles l’arracheraient sans peine à une jeune fille novice, sans expérience du plaisir, incapable de retenir près d’elle un amant si fourbu, et pourraient ensuite se partager ses précieuses nuits.

— Mais qu’a donc Montouroy de si séduisant pour elles ?

— Le miracle tente les femmes, dit le docteur. Elles espèrent donner de l’esprit aux sots, de l’élégance aux rustres, s’asservir les volages et convertir les coquins. Elles aiment à défaire, à bouleverser et, si elle s’avisent de s’éprendre d’un homme intelligent, c’est pour lui faire commettre quelque bêtise : cela leur procure un petit frisson et une jolie jouissance.

Les paroles du docteur ne m’avaient pas rassurée, un mot que je reçus le lendemain, de Dodue-Fleurie, augmenta encore mes angoisses.

« Je sais que Létang et Du Plantier, écrivait la négresse, veulent porter plainte contre vous, et vous enlever Antoinette ; mais je les empêcherai bien : pour retenir Létang, j’ai sa fille ; quant à Du Plantier,