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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


préparatifs dans son billet ; est-ce qu’elle voudrait s’enfuir ? Je l’en empêcherai bien !

Je cherchai Zozo et Troussot ; ils étaient à se promener dans la plantation ; enfin je les rejoignis.

— Veillez bien sur Mademoiselle, leur dis-je, et soyez prêts au besoin à la défendre.

Je leur recommandai aussi de prendre leurs armes.

J’errais dans le jardin comme une insensée. La conduite de cette enfant que je m’imaginais si innocente et si affectueuse m’anéantissait. J’avais comme l’impression que le monde n’existait plus, tout me paraissait transformé, tout me devenait ennemi. Dans cette plantation, au milieu de mes esclaves, riche, gorgée de luxe et de bien-être, je me sentais plus solitaire, plus dénuée de tout qu’une pauvresse qui mendie son pain.

Je me décidai à interroger Antoinette et je revins à l’endroit où je l’avais laissée avec Zinga ; elles n’y étaient plus. Je me dirigeai alors vers une allée de raisiniers où elle se promenait quelquefois avant le coucher du soleil et qui regarde l’habitation. Les fenêtres de sa chambre étaient ouvertes et, d’où je me trouvais, je l’entendis, sans distinguer ses paroles, causer avec animation ; Zinga l’interrompait d’une voix forte :

— Non, ne le ferai pas, ne suis plus avec toi, plus avec toi, parce que tu m’as trompée.

J’allais rentrer à la maison quand tout à coup Zinga vient à moi ; elle a le visage bouleversé ; elle me dit d’une voix haletante, sans préambule :