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Histoire et Criti(|np.

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compatriotes.

Dans les biographies, il est toujours mentionné parmi les astronomes, et ce n’est que par hasard <[u’une remarque sur son habileté à écrire des vers s’est introduite parfois ; et les biographies spéciales des poètes, comme celle de Daulatèâh, ne le mentionnent qu’en passant. La cause en est, eu premier lieu, que "^Omar n’a pas composé un divan, ce qui était, pour ainsi dire, obligatoire pour celui qui voulait passer pour un vrai poète : il a écrit on improvisé un quatrain de temps en temps quand une idée s’est présenté à son esprit, et nous ne savons pas s’il a réuni ses quatrains lui-même ou si ses amis les ont réunis après sa mort. Mais je vois une autre cause de la réserve avec laquelle les Persans parlent du poète Omar, dans ce trait caractéristique à eux, qu’eux-mêmes ils appellent le ketman, et qui est si spirituellement dépeint par Gobineau ^ C’est une espèce de simulation S3’stématique qui joue un grand rôle dans la spéculation philosophique et la vie religieuse des Persans : ...«On prononcera toutes les professions de foi qui peuvent plaire à l’adversaire, on exécutera tous les rites que l’on reconnaît pour les plus vains, on faussera ses propres livres, on épuisera tous les moyens de tromper.

Ainsi seront acquis la satisfaction

et le mérite multiples de s’être mis à couvert ainsi que les siens, de n’avoir pas exposé une foi vénérable au contact horrible de l’inlidèle, et enfin, d’avoir, en abusant ce dernier, et en le confirmant dans son erreur, imposé sur lui la honte et la misère spirituelles qu’il mérite. C’est là ce que la phi-

losophie asiatique de tous les âges et de toutes les sectes connaît et pratique, et que l’on appelle le îcefmân.» Il va sans dire que le Jœtnian est le refuge des libres penseurs aussi bien que des sectaires. Les Persans n’aiment

pas à laisser voir leurs dispositions de scepticisme et d’incrédulité. Et encore qu’on ne puisse pas caractériser, sans réserve, ’Omar Hayyâm comme un incrédule et un matérialiste, il était péremptoirement réputé tel, et on n’osait pas 1 Les Religions et les Philosophies de l’Asie centrale (Paris 1865), p. 15.