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GÉOGRAPHIE.

hommes, et 3 000 personnes à peine y vivent, sur 48 000 hectares, du lait, de la chair de maigres troupeaux qui paissent le roc autant que l’herbe. Que son nom vienne ou ne vienne pas du latin devolutum (roulé, entraîné), ses monts se décomposent depuis qu’ils ne sont plus cimentés par des forêts ; ses crêtes s’écroulent sur les versants, et les versants dans des ravins que l’été rôtit, que l’hiver couvre de neige, et que les trombes dévorent en y jetant des torrents qui fouillent le soi jusqu’à l’os de la roche. Son maître pic, l’Obiou (2 793 mètres), appartient à l’Isère ; l’Aurouze, dans les Hautes-Alpes, a 2 715 mètres.


Le Ventoux (1 912 mètres) doit son nom aux vents violents qui descendent de son dos crayeux en fouettant ses chênes truffiers, ses bois de hêtres, ses semis de chênes, de cèdres, de pins sylvestres, de pins maritimes, et les ruches de ses colonies d’abeilles apportées au printemps et remportées en automne par les paysans du pied du mont. Pour nous servir d’un mot biblique, c’est du Ventoux que découle en partie l’illustre miel de Narbonne.

Avant son reboisement, qui consiste surtout en chênes truffiers faisant naître on ne sait comment, on ne sait pourquoi, la truffe odorante dans le sol qu’ils ombragent, le Ventoux était si nu, si rocheux et sans verdure qu’on l’avait comparé à une montagne de macadam. Il ne jette à la plaine aucun ruisseau constant, ses torrents ne coulent qu’aux pluies ou à la fonte des neiges, et presque toutes les eaux qu’aspirent ses pierres arides se rassemblent en une seule source de 173 litres par seconde, le Groseau, à Malaucène. Il a pour grands traits son avancement sur la plaine du Rhône, son panorama géant qui va des Pyrénées au Mont-Blanc, du Mézenc et de la Lozère aux Alpes du Viso, ses étages de climats et de plantes, comme en a chaque montagne en proportion de sa hauteur ; mais le Ventoux s’élançant d’une plaine chaude, colorée, le contraste entre les pieds et la tête