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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

effroyable de quartiers de roches s’abat sur la plaine ébranlée. Le fracas est indicible ; on dirait un conflit entre cent ouragans. Même en plein jour, les débris de roches, mêlés à la poussière, à la terre végétale, aux fragments de plantes, obscurcissent complètement le ciel ; parfois de sinistres éclairs, provenant des rochers qui s’entre-choquent, jaillissent de ces ténèbres. Après la tempête, quand la montagne ne secoue plus dans la plaine ses roches disjointes, quand l’atmosphère s’est éclaircie de nouveau, les habitants des campagnes épargnées se rapprochent et viennent contempler le désastre. Chalets et jardins, enclos et pâturages ont disparu sous le hideux chaos de pierres ; des amis, des parents y dorment aussi de leur grand sommeil. Des montagnards m’ont raconté que, dans leur vallée, un village, deux fois détruit par des avalanches de pierres, et été rebâti une troisième fois sur le même emplacement. Les habitants auraient bien voulu s’enfuir et faire choix pour leur demeure de quelque vallée bien large, mais nulle communauté voisine ne voulut les accueillir et leur céder des terres ; ils ont dû