Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/304

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trous, entre les pierres descellées. Les seuls promeneurs qui s’aventurent dans ce triste séjour sont les égoutiers chargés de rétablir le courant en enlevant les amas de fange, et les «ravageurs», faméliques industriels, qui, perchés sur le bourbier fétide, le remuent de leurs mains pour y trouver quelque menue monnaie ou d’autres objets tombés de la rue par les soupiraux.

Enfin, la masse infecte, aidée soit par le râteau des ouvriers, soit par de soudains orages, arrive à la rivière et s’y déverse lourdement. Noire ou violacée, elle rampe le long des quais, et reste distincte de l’eau relativement pure du courant par une ligne sinueuse nettement tracée. Longtemps on la suit du regard, s’écoulant à côté de la rivière et refusant de se mêler avec elle ; mais les tourbillons, les remous, les reflux de toute espèce causés par les inégalités de fond et les sinuosités des rives ont pour résultat de mélanger les eaux ; la ligne de séparation s’efface peu à peu, de gros bouillons