Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome III, Librairie universelle, 1905.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
134
l’homme et la terre. — inde

dans le pays des brahmanes sous une forme qui n’est pas originaire de la contrée des « Sept rivières » et qui indique une provenance mésopotamienne. Il y eut certainement emprunt, quoique les fleuves de la péninsule gangétique aient eu également leurs inondations diluviales et que l’on ait pu en conséquence greffer sur des souvenirs locaux l’histoire apportée du dehors. Manou, le personnage indien, est, comme le Chasi-Adra chaldéen, prévenu du cataclysme qui va se produire : il construit également un navire, dans lequel il a soin de mettre des semences de toutes les espèces, puis, lorsque les eaux commencent à baisser, il s’arrête aussi au sommet d’une montagne, la plus haute de la contrée : ici, c’est un sommet de l’Himalaya, tandis que chez les riverains de l’Euphrate et du Tigre, le lieu d’échouement avait été un des pitons suprêmes des mont Carduques[1]. Quoique la légende soit d’importation étrangère, elle ne pouvait se nationaliser qu’en s’accommodant à la mythologie et à la géographie locale.

Les documents s’amassent de plus en plus pour établir sans conteste que la civilisation hindoue fut dans une notable proportion influencée par celle de la Mésopotamie, non pas indirectement comme il arrive entre nations éloignées dont les relations mutuelles se produisent de proche en proche par une succession d’intermédiaires, mais d’une façon directe par des représentants mêmes des populations chaldéennes. Aucun document explicite légué par les anciens ne nous atteste ce fait, mais il n’en reste pas moins indubitable, appuyé comme il l’est sur l’ensemble de l’histoire. Une première preuve ressort de la division des mois et des années en phases de la lune, semaines ou durées de sept jours ayant conservé leurs noms babyloniens. Cette coïncidence est telle qu’on ne peut y voir l’effet du hasard : il faut admettre que des marins et commerçants venus des bouches de l’Euphrate furent assez nombreux et assez influents pour faire adopter leur division du temps aux indigènes avec lesquels ils étaient en rapport, c’est aussi de la même manière qu’ils enseignèrent, pour les besoins du commerce, l’emploi de leur monnaie avec ses multiples du système duodécimal : à cet égard, il dut y avoir une certaine lutte puisque les Aryens comptaient par dizaines. De même pour le langage, il y eut conflit, puis échange. Les termes passèrent

  1. Burnouf ; R. von Ihering, Les indo-Européens avant l’Histoire, trad. par O. de Meulenaere, pp. 217 et suiv.
figuier banian dans l’inde