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l’homme et la terre. — inde

Bengale, dut de tout temps avoir une importance historique, et spécialement militaire, de premier ordre, car en ces lieux la région fertile est étroite, et la route, resserrée entre les avant-monts de l’Himalaya, au nord, et les premiers promontoires boisés des hautes terres du sud, ne pouvait s’écarter beaucoup à droite ni à gauche ; là se trouve le point de contact entre les deux grandes moitiés divergentes de l’Hindoustan septentrional, et par conséquent le centre de la domination par excellence.

Aussi que de heurts se produisirent dans cette région entre les rois ambitieux du pouvoir ! C’est là que, d’après les anciennes traditions recueillies par le Mahâbhârata, se livrèrent les formidables batailles entre les fils de Kuru et les fils de Pandu, batailles qui décidèrent du sort de l’Inde. Par les mêmes raisons, conquête, possession du pouvoir, appel du commerce au passage le plus facile de monde à monde, de grandes cités durent s’élever à proximité de ces champs de bataille. Là se dressaient, il y a trente-quatre siècles, et probablement aussi à une époque antérieure, les murailles de la « Ville des Eléphants », Hastinapura, cette Troie Hindoue que se disputèrent les héros de la légende et que la Gangâ finit par engloutir. Plus au sud, sur les bords de la Djamna, rayonne Delhi, la ville sept fois sainte, que les fils de Pandu conquirent sur le peuple des Serpents et où ils plantèrent un pilier baignant dans le sang des nations vaincues. En aval de Delhi, les points vitaux où se concentrèrent les mouvements de l’histoire se succèdent le long de la Gangâ jusqu’au golfe du Bengale.

Une autre route historique, indiquée de la manière la plus évidente, se détache de la voie maîtresse de la vallée gangétique pour se diriger à l’ouest et au sud-ouest par la rivière Son, continuée, au delà d’un seuil peu élevé, par la rivière Narbada : ainsi les deux golfes qui baignent la Péninsule sont unis par une route naturelle contournant facilement les montagnes. La crête du plateau, qui se termine brusquement par des précipices ou des pentes raides au-dessus des campagnes côtières du Konkan et du Malabar, constitue aussi une voie majeure à laquelle se rattachent, d’une part, les routes en encorbellement ou à brusques degrés qui descendent par les brèches ou « ghât » vers les ports du littoral, d’autre part, les longs chemins à pente très douce qui vont rejoindre la côte de Coromandel. Partout des traits du relief primitif ont indiqué l’endroit où