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castes et brahmanisme

je prends ton cœur, et la pensée suit ma pensée ». « Même mendiant, le brahmane est supérieur aux rois ». Le souverain que les prêtres ont
Musée Guimet.Cl. Giraudon.
Fragment de char sacré
servant à la promenade des dieux.
sacré comme maître du peuple n’est pas leur maître ; ils n’obéissent qu’au somâ[1], c’est-à-dire à leur inspiration. La liqueur sacrée était pour eux non la boisson qui enivrait le peuple, mais leur propre volonté, leur pur et infaillible caprice.

Grâce à l’isolement relatif dans lequel se trouvaient les Aryens de l’Inde sub-himalayenne, vivant éloignés de la mer et n’ayant de rapports, hautains et réservés, qu’avec les populations méprisées des alentours, leur évolution morale et religieuse s’accomplissait, pour ainsi dire, en vase clos : elle devait aboutir pleinement à son terme logique, puisqu’elle n’avait pas eu l’occasion de se mêler à des éléments étrangers, et en effet, la caste des prêtres n’a pris nulle part un tel empire, même sans avoir besoin de s’appuyer sur le « bras séculier », par la pure illusion de l’autorité divine que leur assurait le consentement universel.

L’isolement absolu des brahmanes, acquis non seulement par la

  1. H. Oldenberg, Buddha, pp. 14, 15, etc.