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nouvel idéal des peuples

avec quelques restes du trésor littéraire et scientifique des Grecs et des Romains, l’avantage de conserver un certain sentiment de l’unité humaine. Son horizon géographique était plus large que celui de la grande foule anonyme des anciens civilisés. Sans doute, l’image qu’il se faisait de la Terre devait être grimaçante et bizarre : elle n’était plus réglée et mesurée par le compas des Ératosthènes et des Ptolémée, mais les barbares venus du grand Nord et de l’Est encore plus éloigné gardaient la vague idée d’immenses étendues, bien supérieures à celle de l’œcumène gréco-romaine. En outre, une âme leur apparaissait indistinctement dans ce grand corps, puisque le saint empire romain n’avait pas cessé d’exister pour eux et qu’ils croyaient à l’universalité de la « Sainte Église »[1]. L’idéal était presqu’inconscient ; il impliquait néanmoins une future unité politique et morale.

ravenne. mausolée de galla placidia dans san-nazario (440)

Avant d’entrer dans cette voie, qui est l’histoire même de la civilisation progressive, les multitudes entremêlées, de toutes origines et de toutes langues, qui se heurtaient chaotiquement dans les diverses parties de l’Europe, avaient d’abord à se fixer, à prendre racine dans le

  1. Eduard Meyer, Die wirtkschaftlicke Entwickelung des Alterthums, p. 6.