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l’homme et la terre. — barbares

descendants plus ou moins mélangés de ces deux nations gardent leurs domaines respectifs : ce sont d’un côté les Tectosages, dont le centre était à Toulouse, de l’autre les Arecomices, occupant les campagnes basses de Nîmes, limitées par la rive droite du Rhône. Puis, lors de la domination des Visigoths dans le midi des Gaules, c’est maintes fois à cette frontière naturelle que s’arrêta leur royaume, et, plus tard, pendant toute la durée du moyen âge, et même lors de la terrible guerre des Albigeois, alors que toutes les populations se trouvèrent effroyablement confondues, les divisions originaires marquées par la convergence des trois cours d’eau se maintinrent autour de centres politiques différents. Il y eut tendance latente à juxtaposer en cet endroits deux nationalités distinctes, l’une régie par les mœurs provençales et le droit latin, l’autre appartenant au groupe de civilisation ibère, au « droit gothique ». Le peuplement du pays, la rectification des rivières, l’assèchement partiel des lacs et, par-dessus tout, la construction des routes ont fait disparaître ces obstacles posés par la nature, on n’observe plus que les contrastes ataviques des caractères, des mœurs et des habitudes sociales[1].

Dans le nord de la Gaule, entre la Somme et la Seine, les légions romaines, usées par les batailles, ne barraient plus la route aux hordes des Francs. Un roi, Chlodwig ou Clovis, écarte les derniers Romains en 486 et s’empare de toute la contrée jusqu’à la Seine, puis graduellement pousse jusqu’à la Loire, et déplace sa capitale de Tournay à Soissons. Rival des Alemannen qui venaient de l’est, à travers le Rhin, et qui devaient forcément se heurter tôt ou tard avec les Francs descendus du nord, il les rencontre une première fois à Tolbiac en une bataille à issue douteuse, puis les écrase d’une manière décisive près de Strasbourg, disent la plupart des historiens. Un fait capital dans cette victoire est que Clovis, marié à une femme catholique, jura de se convertir s’il triomphait. Baptisé avec des milliers de guerriers, il changea brusquement l’équilibre des religions dans l’occident de l’Europe et devint le point d’appui de la hiérarchie papale contre les rois ariens, Burgondes et Visigoths : une certaine alliance traditionnelle se fit entre la papauté et les rois de France, les « fils aînés de l’Église », et très souvent les mouvements de la politique furent

  1. A. Duponchel, Géographie générale du département de l’Hérault, Introduction, pp. xv et suiv.