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l’homme et la terre. — arabes et berbères

Touareg, visitées pour la première fois en 1903 par des Européens. On y trouve les ruines du Ksar-ensara ou « Village des Nazaréens », c’est-à-dire des chrétiens. Une inscription hébraïque, due probablement à des Juifs du Touât, que l’on sait avoir existé encore il y a 400 ans, a été recueillie dans la contrée, et les montagnes du Muydir et plus encore celles de l’Ahnet sont illustrées de gravures rupestres avec une profusion incroyable. « Toutes ces grandes falaises noires de poix, en grès dévonien, ont été tatouées du faite à la base ». Dans son ensemble, ce musée de gravures représente la faune actuelle ; cependant quelques animaux disparus aujourd’hui, la girafe, l’autruche, le sanglier se voient sur ces parois ; l’éléphant, le rhinocéros, le bubalus antiquus, dont on a retrouvé des dessins plus au nord dans l’Atlas, manquent sur ces rochers du pays des Touareg. Les hommes sont représentés à pied ou à dos de mehara : souvent les piétons et les méharistes semblent se combattre. Tout cela rappelle par la facture les dessins du sud-Oranais, mais semble plus récent ; en tous cas, les gravures sont postérieures au septième siècle, date de l’introduction du chameau en pays barbaresque. « On dirait que ces groupes rupestres de l’Ahnet témoignent du refoulement progressif d’une race »[1].

La forme géographique des côtes tunisiennes, la primitive « Afrique », facilita les conquêtes arabes. Tandis que les côtes d’Algérie, d’ailleurs assez périlleuses d’accès dans la plus grande partie de leur étendue, sont presque partout bordées de monts abrupts qui empêchent la libre communication avec l’intérieur, les rivages tournés vers la mer de Sicile et les Syrtes se continuent en pentes douces vers les plaines et les plateaux du continent ; des chemins naturels partant de la mer pénètrent facilement dans tous les couloirs qui, plus à l’ouest, se partagent le territoire maurétanien. Ainsi le voyageur peut gagner sans peine les vallées parallèles à la mer qui se succèdent entre les monts du Sahel et le rebord des grands plateaux ; de même il peut cheminer de cuvette en cuvette à travers les hautes steppes jusqu’aux montagnes de l’Atlas ; enfin, plus au sud, le chemin des oasis entre la Syrte de Gabès et l’oued Draa marocain lui permet de suivre la base méridionale de la grande île maurétanienne avec ses massifs montagneux tels que l’Aurès et l’Amour. Ces routes naturelles sont autant

  1. E.-F. Gautier, Annales de Géographie, 15 juillet 1903, pp. 364, 365.