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l’homme et la terre. — arabes et berbères

« défenseurs de la foi » orthodoxes ou hérétiques, il y eut aussi des philosophes et des poètes qui maintinrent la fière indépendance de leur jugement, comme des rocs se dressant au milieu des eaux. Dans toutes les cités de civilisation « sarrasine », le grand souci était à cette époque de fonder et d’accroître les collections de livres. La bibliothèque de Cordoue, riche de six cent mille volumes, superbement reliés, était la gloire de la ville ; en outre, on comptait dans l’Espagne musulmane soixante-dix bibliothèques publiques et de très nombreuses collections privées. Le Caire, Damas n’étaient pas moins riches en livres, que l’on prêtait même aux étudiants. Dans un traité de paix conclu par Al-Mamun et l’empereur de Constantinople Michel III, le premier exigea l’une des grandes bibliothèques de la Rome orientale, et c’est là que les chercheurs arabes trouvèrent le traité de Ptolémée sur la mathématique céleste, qui prit une si grande importance dans la science du moyen âge, sous le nom bizarre d’Almageste, à la fois grec et arabe[1]. Les savants des nations nouvelles de l’Orient se précipitaient avec ravissement sur ces œuvres précieuses, que les Grecs conservaient sans les utiliser, en simple mémoire de leurs aïeux.

C’est en effet dans l’astronomie que les Arabes prirent la part la plus considérable au développement des sciences. Dans les mathématiques pures, ils donnèrent son nom à l’ « algèbre » que leur avait léguée l’Alexandrin Diophantus (IVe siècle), ils étudièrent les problèmes de géométrie et de trigonométrie et propagèrent l’usage du système de numération, bien antérieur à eux et que l’on qualifie pourtant du terme de « chiffres arabes ». De même, en physique, ils étudièrent les phénomènes de la gravité spécifique, ceux de la chute des corps et de la réfraction lumineuse, tandis qu’en chimie, ils s’occupaient de la distillation, de la sublimation, de la fusion, de la filtration des corps. Fidèles à la méthode expérimentale, qu’ils avaient prise aux Grecs alexandrins, ils cherchaient à se renseigner sur toute chose par l’observation directe et par l’expérience tirée de la construction des appareils. Horloges, clepsydres, cadrans, pendules, astrolabes se trouvaient dans toutes leurs grandes écoles, et leurs observatoires qui se succédaient à travers tout le monde musulman, de Séville à Samar-

  1. L’article arabe al et μεγιστη (sous-entendu Βιβλος), le plus grand livre.