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l’homme et la terre. — orient chinois

des Herbes, où souffle si fréquemment le terrible vent du Nord-Ouest, la saillie d’un nez droit ou aquilin serait un funeste présent de la nature et, sous l’influence de la respiration, une barbe abondante se transformerait rapidement en un bloc de glace. Un écrivain musulman donne une idée presque risible du type mongol en rapportant un dire du Prophète, relatif aux précurseurs du « Jugement dernier » : « Ce seront, annonce-t-il, des hommes dont le visage rond aura la forme d’un bouclier martelé d’une manière égale dans toute sa rondeur ». En voyant apparaître les guerriers mongols, les Mahométans surpris se rappelèrent cette prophétie et conclurent que toute résistance de leur part serait inutile.

Les conditions du milieu ont donné au Mongol un type de visage, elles lui ont également imposé son genre de nourriture.

La Terre des Herbes, presque dépourvue de bois, ne donne ni fruits, ni céréales, à peine quelques bulbes ou tubercules qu’on déchausse dans le sol et qui fournissent un maigre appoint à l’alimentation habituelle, fournie par les troupeaux. Le Mongol mange presque exclusivement la chair de ses animaux ; cependant il y joint aussi le gibier sauvage, les gerboises, même les rats, mais il repousse le poisson, qui lui paraît impur parce qu’il vit dans l’eau, substance si fréquemment sale en ces régions mal arrosées, et presque partout saturée de sel, de salpêtre ou autres substances chimiques. Il ne boit que le lait de ses juments et de ses chamelles, dont il sait fabriquer, comme tous les nomades de l’Orient, la boisson fermentée qu’on appelle koumis ou kmis. Sa haine de l’eau va jusqu’à l’horreur du bain : une ancienne légende dit que la foudre tuera l’audacieux qui se trempe dans une mare. Le code de Djenghiz-khan, simple recueil d’anciennes coutumes, interdisait aussi de laver les vêtements ; il fallait les porter jusqu’à ce qu’ils tombassent en lambeaux. Le comble de l’abomination serait encore de laver les ustensiles de ménage : il n’est permis de les essuyer qu’avec des herbes, du feutre ou des bouses de vache. Les Chinois, qui pourtant ne sont pas d’une propreté exemplaire, donnent aux Mongols le nom bien mérité de « Peuple Puant ». Il n’est pas rare de voir des amis ou des amoureux croquer les poux l’un de l’autre en s’écriant : « Puisses-tu de la même manière dévorer mes ennemis » !

Le vêtement, le logis sont déterminés comme la nourriture du