Page:Reclus - L'Homme et la Terre, tome III, Librairie universelle, 1905.djvu/540

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
520
l’homme et la terre. — carolingiens et normands

sacrifiées à la vanité du rang. Dans ces buttes funéraires, on recueille des objets de cuivre et d’or, armes et bijoux, mais le fer y est assez rare, preuve qu’à cette époque l’industrie européenne venait à peine de conquérir le métal par excellence.

Mais cet or, cet étain et ce cuivre, nécessaires à la fabrication du bronze, ne se trouvaient point dans les plaines des Scythes, et c’est ailleurs qu’ils devaient se le procurer. Depuis les temps les plus reculés, les habitants des étendues sarmates, si belliqueux que les eussent rendus les vanités locales et les pratiques obligatoires de la vengeance, avaient dû pourtant s’accommoder aux nécessités du commerce, dont les intermédiaires traditionnels étaient des bandes de porteurs, constituant des castes spéciales presque toujours méprisées mais indispensables, et se mouvant en sécurité le long de chemins pratiqués de tout temps et protégés par la foi publique de tous, amis ou ennemis. C’est ainsi que les objets précieux nécessaires à l’industrie se transmettaient sur les routes historiques de l’Asie, entre la Chine et l’Occident, entre le Caucase et les régions du Nord. Des voies commerciales aboutissaient également au littoral du Pont-Euxin où s’étaient installés des colons grecs, entourés de populations à demi hellénisées. Le commerce de l’or, on le sait par l’expédition des Argonautes, avait un de ses grands marchés sur le versant méridional du Caucase, dans la Colchide, la Géorgie actuelle. Or cette même contrée possédait aussi des gisements d’étain qui fournissaient aux artistes l’élément d’alliage nécessaire à la fabrication du bronze d’art (E. Chantre). Du temps d’Hérodote, les marchands venus de ces régions caucasiques, de même que les trafiquants d’Asie, apportaient leurs métaux à la ville d’Olbia, sur le cours inférieur du Borysthènes. Plus tard, une autre cité grecque, Panticapée, la moderne Kertch, sur la côte méridionale de la péninsule de Tauride, hérita de ce trafic avec les Asiates ; d’ailleurs les marchands ne faisaient probablement qu’une partie du chemin : c’est d’étape en étape, de marché en marché, et par des relais de caravanes nombreuses que les objets précieux, indispensables aux travaux de luxe, finissaient par atteindre le Pont-Euxin.

Les mélanges et les croisements eurent pour conséquence que tous les Slaves ou slavisés de nos jours, de même que les autres habitants, Finnois et Turcs, des grandes plaines de l’Eur-Asie, pourraient revendiquer comme leurs ancêtres non seulement les tribus guer-