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prise de la bastille

La reddition de la Bastille fut un événement capital qui fit trembler les rois, enthousiasma les peuples et prit un sens symbolique universel dont l’effet dure encore ; mais, s’il est beau, en des moments désespérés, de tout risquer pour la cause que l’on aime, combien funeste fut souvent cette illusion, née de la prise
Croquis exécuté par David d’après nature.

né à Saumur en 1717, pendu à la lanterne à Paris en 1789. Sa tête est promenée dans Paris au bout d’une pique, la bouche pleine de foin.
triomphante de la Bastille, que l’enthousiasme populaire suffit pour accomplir l’impossible ! Non, les multitudes en désordre, munies seulement de pierres et d’armes de rencontre, risquent fort de se heurter inutilement à des remparts solides, garnis d’hommes disciplinés qui savent pointer les canons ! La trompette de Jéricho ne renverse plus les remparts des villes. Il est imprudent de se griser de paroles, vaines sonorités. Pour combattre, le plus sûr est toujours d’être le plus fort, en même temps que le plus clairvoyant : à la ferveur, à la puissance de la volonté, il importe d’ajouter la science invincible.

Les événements de Paris réveillèrent certaines populations restées passives par l’effet du long sommeil dû aux exterminations anciennes et à l’oppression continue. Jusqu’aux Pyrénées, jusqu’à la mer de Gascogne, le peuple fut secoué d’un grand frisson, annonciateur de conjonctures redoutables. Ce fut, disent les contemporains, le temps