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l’homme et la terre. — la culture et la propriété

manie destructrice des officiers, des chasseurs et des femmes du monde ?

C’est par des raisons semblables que les animaux à fourrure sont devenus si rares ou même ont disparu complètement en tant de pays du nord. Si le castor n’a pas été encore entièrement détruit, il ne vit plus à L’état de « nations », comme à l’époque où les Européens pénétrèrent dans le pays. Au dix-septième siècle déjà, les chasseurs canadiens français firent de tels dégâts parmi les tribus de castors que les Indiens du Mississippi durent se concerter pour la protection des villages de castors : il fallait y laisser au moins six mâles et douze femelles[1]. Maintenant, le nom de Beaver se retrouve aux Etats-Unis aussi fréquemment dans les régions dépeuplées de castors que les noms de Bièvre en France, de Bever en Flandre et de Bieber en Allemagne. C’est à une époque toute récente que le castor a été heureusement sauvé d’une destruction complète dans l’Amérique du Nord, au moyen du parquage. Une ferme de la Géorgie, d’une superficie d’environ 450 hectares, contient quelques centaines de ces animaux, jeunes et vieux, qui disposent de l’eau d’un ruisseau abondant pour la construction de leurs réservoirs et auxquels on donne toute facilité pour le travail, mais chaque année on en tue un certain nombre pour la vente des fourrures[2]. Une île de la côte du Maine, Outer Ileron, près de Boolhbay, de même les îles Pribîlov des mers d’Alaska, sont utilisées comme enclos pour les renards noirs et « bleus », dont les peaux se vendent à Londres jusqu’à 1 000 et 1 250 fr.[3] La spéculation réussit, mais si les éleveurs règlent l’abatage de leur gibier, assurent au moins la durée, et même, par le choix judicieux des reproducteurs, la beauté de la race, là se bornent leurs soins. Ils ne font rien pour l’éducation de l’animal ; cependant les victimes désignées sont emportées en pleine mer : on les sacrifie loin du rivage, afin que les renards de l’île ne voient point les traces du sang et n’en sentent pas l’odeur.

Récemment, le couronnement du roi d’Angleterre, Edouard VII, aurait dû coûter la vie à 108 000 hermines pour les manteaux des pairs et des pairesses, si, pour la beauté correcte des fourrures, il n’y avait eu des accommodements avec les fournisseurs de la cour.

Les loutres marines ont cessé d’être connues des chasseurs. Vers

  1. Michelet, Histoire de France, XV, Régence, p. 189.
  2. Revue Scientifique, 13 mars 1897, p. 343 ; 8 janv. 1898, p. 58.
  3. Revue scientifique, 24 avril 1897, p. 537 ; P. Difloth, Revue Universelle 1902.