Page:Reclus - L’Anarchie, 1896.djvu/18

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tives, comparées à notre monde moderne, organisme immense où s’entremêlent tant d’autres organismes avec une complication infinie. Laissons donc de côté ces tribus primitives pour nous occuper seulement des nations déjà constituées, ayant tout un appareil politique et social.

Sans doute, je ne pourrais vous en montrer aucune dans le cours de l’histoire qui se soit constituée dans un sens purement anarchique, car toute se trouvaient alors dans leur période de lutte entre des éléments divers non encore associés ; c’est que chacune de ces sociétés partielles, quoique non fondues en un ensemble harmonique, fut d’autant plus prospère, d’autant plus créative qu’elle était plus libre, que la valeur personnelle de l’individu y était le mieux reconnue. Depuis les âges préhistoriques, où nos sociétés naquirent aux arts, aux sciences, à l’industrie, sans que des annales écrites aient pu nous en apporter la mémoire, toutes les grandes périodes de la vie des nations ont été celles où les hommes, agités par les révolutions, eurent le moins à souffrir de la longue et pesante étreinte d’un gouvernement régulier. Les deux grandes périodes de l’humanité, par le mouvement des découvertes, par l’efflorescence de la pensée, par la beauté de l’art, furent des époques troublées, des âges de « périlleuse liberté ». L’ordre régnait dans l’immense empire des Mèdes et des Perses, mais rien de grand n’en sortit, tandis que la Grèce républicaine, sans cesse agitée, ébranlée par de continuelles secousses, a fait naître les initiateurs de tout ce que nous connaissons de haut et de noble dans la civilisation moderne : il nous est impossible de penser, d’élaborer une œuvre quelconque sans que notre esprit ne se reporte vers ces Hellènes libres qui furent nos devanciers et qui sont encore nos modèles. Deux mille années plus tard, après des tyrannies, des temps sombres qui ne semblaient jamais devoir finir, l’Italie, les Flandres et toute l’Europe des communiers s’essaya de nouveau à reprendre haleine ; des révolutions