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l’homme et la terre. — phénicie

môles naturels, des brise-lames formés par des îlots ou chaînes d’écueils. En ces parages, les roches basses, séparées de la terre ferme par des eaux peu profondes, mais suffisant néanmoins à cette époque pour donner asile aux embarcations, protégeaient les flottilles à la fois contre les vents du large et contre les attaques d’un ennemi ; ce fut l’une des causes majeures de la prospérité que purent atteindre les fameuses capitales Arvad et Sidon, et Tyr, plus puissante encore. Plusieurs de ces villes, favorisées en outre par la fertilité des campagnes du littoral voisin, se trouvaient en face d’une brèche des montagnes formant un chemin naturel pour le commerce d’outre-monts. Telle était précisément la situation de Tyr, placée tout près de la bouche du Leontes, que suivaient les caravaniers venus du haut Euphrate et des oasis septentrionales du désert.

La forme géographique du littoral syrien, avec sa chaîne de villes heureusement disposée pour le commerce, et par conséquent destinée à recevoir des immigrants de toute nationalité, des gens de toute race, libres ou esclaves, ne comportait pas une parfaite unité d’origine dans les populations qui s’y étaient établies : les migrations et les contre-migrations accomplies par terre et par mer durent changer diversement la teneur des éléments ethniques sur la longue bande de territoire, d’environ 800 kilomètres, développée du nord au sud entre l’Asie Mineure et l’Egypte.

L’influence du milieu a certainement réussi, suivant la durée de son action, à déterminer des ressemblances de types là où se présentaient autrefois des contrastes originaires ; mais de nouveaux mélanges d’hommes, de tribus et de peuples introduisant de nouvelles différences de caractères physiques, de langues, de religions et de mœurs parmi les habitants, l’équilibre général était encore modifié.

D’après le tableau ethnographique sommaire que reproduisent les annales des Hébreux dans le dixième chapitre de la Genèse, presque toute la population du littoral aurait été de provenance khamitique, c’est-à-dire aurait appartenu à cette race mystérieuse, distincte de la descendance de Sem et de Japhet, et que les Juifs semblent avoir inventée simplement pour y classer leurs ennemis et la faire maudire en bloc. Toutefois il paraît bien que, dans l’ensemble, les habitants de la Syrie étaient de même origine que les Hébreux, et qu’on peut les classer égale-