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l’homme et la terre. — îles et rivages helléniques

reçu Babylone dans sa part d’héritage. Enfin, la vallée du Nil, autre domaine géographique formant un tout complet, aux limites naturelles bien arrêtées, devint aussi un royaume distinct, se développant en des conditions de vie propre, indépendante comme l’ancien État des Pharaons.

Les petits groupements de l’Asie Mineure étaient donc de trop faibles dimensions pour durer longtemps, à une époque où l’appétit des conquêtes était développé jusqu’à la fureur dans tout le monde hellénique, dominé par la grande ombre d’Alexandre. D’ailleurs, la force de résistance des populations anatoliennes avait été brisée pendant le va-et-vient des armées et des pillards, si bien que l’on vit des bandes de Gaulois ou « Galates » pénétrer de Thrace en Troade, à travers l’Hellespont, et s’avancer en conquérants jusqu’au centre de l’Asie Mineure pour y constituer un nouvel État. Cependant certains royaumes purent se maintenir pendant près de deux siècles, sous des formes incessamment modifiées, entre la grande monarchie de l’Orient échue à l’un des lieutenants du Macédonien, et la puissance de Rome, qui grandissait peu à peu du côté de l’Occident et s’annexait successivement territoire après territoire. L’un de ces corps politiques, le plus puissant et le plus solidement établi, opposa même une résistance opiniâtre à la conquête romaine. Défendu à l’ouest par la ligne stratégique du fleuve Halys, appuyé sur des alliés qui occupaient une grande partie du pourtour de la mer Noire, y compris la péninsule de la Tauride, et l’Arménie jusqu’à la Caspienne, le royaume du Pont ne fut subjugué qu’après de longues années de lutte[1].

Dans l’histoire du monde, le plus important des royaumes d’Asie Mineure, grâce à la part qu’il prit au rayonnement de la civilisation hellénique, fut celui de Pergame, où se dressèrent de si beaux monuments, riches en statues et en bas-reliefs, où vécurent des historiens et des savants, continuateurs des grands hommes de Milet et d’Athènes, et où furent assemblés les précieux « parchemins » de la plus grande bibliothèque de l’antiquité après Alexandrie.

L’empire dont la Babylonie était le centre tomba en partage aux Séleucides et dut à ses fortes assises géographiques de persister plus de deux siècles ; même ne disparut-il que pour être remplacé par un

  1. Voir la carte n° 101, page 19, Empire de Mithridate.