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l’homme et la terre. — rome

long rempart difficile à franchir et force les voyageurs à faire un long détour à l’est par les cols de la montagne ou à se glisser dans l’étroit défilé du littoral conduisant à la Rivière de Gênes. A l’est, l’arête apennine se maintient avec une parfaite régularité en se rapprochant de la mer Adriatique, puis, au sud de l’Etrurie, elle se ramifie par des chaînes latérales qui constituent aussi un certain obstacle aux migrations des peuples ; cependant les passages naturels de vallée à vallée sont très nombreux dans cette direction, et c’est par ce côté de leur domaine que les Etrusques avaient surtout à porter leurs efforts d’attaque ou de résistance : de ce côté leur vint la mort.

Ainsi l’immense amphithéâtre de l’Etrurie, si bien limité de trois côtés par la mer et les monts, est heureusement disposé pour servir de résidence commune à un même peuple, mais à l’intérieur il se divise en de nombreux compartiments distincts déterminant une diversité correspondante dans le corps de la nation. Des centres importants de population étaient nés spontanément dans toutes les parties de l’hémicycle favorisées par la richesse naturelle des campagnes, par le voisinage, des mines, par une position heureuse pour le commerce, grâce à la convergence des vallées ou à l’existence d’un port. Aussi parmi les cités occupant un emplacement où l’attraction du sol devait appeler les hommes en grand nombre, nous apparaissent de distance en distance des points vitaux tels que Clusium (Chiusi), située sur le seuil à double versant du Tibre et de l’Arno, Perusia, Arretium, qu’enrichissent leurs anciens lacs comblés par les alluvions, Fæsulae (Fiesole), dont la belle Florence hérita, Pise, qui joignait à la fécondité de ses champs l’avantage de posséder un entrepôt maritime. L’importance exceptionnelle que l’histoire de Rome a prise dans le récit des événements humains a fait, pour ainsi dire, pencher l’Etrurie vers les bouches du Tibre, et c’est pour cela que l’on voit tant de noms étrusques se presser sur la carte entre Tarquinii et Véii, la voisine de Rome ; mais, dans son ensemble, la force politique était assez également distribuée en différents points sur toute l’étendue de la Toscane, et nulle part ne s’était développée de cité capitale assez puissante pour concentrer toutes les énergies nationales à son profit. La forme fédérative entre cités égales en droit paraît être celle qui prévalut le plus longtemps pendant les âges de la civilisation