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l’homme et la terre. — phénicie

merce et de civilisation où se suivaient, de distance en distance, des centres d’activité, analogues aux pointes à étincelles d’une machine électrique ; mais la faible largeur de la zone riveraine ne permettait pas aux villes du littoral de s’unir en un organisme de vastes dimensions. La Phénicie n’avait de force de résistance que pour la défense de ses rocs insulaires et devait, à la première attaque, perdre ses possessions de la terre ferme. Jamais elle n’eut d’empire proprement dit comparable aux grands États du continent ;
les murailles de tyr
d’après une médaille phenicienne
mais elle était si nécessaire à tous par son appareil de commerce qu’elle se maintint pendant de longs siècles, tantôt souveraine, tantôt protégée, mais toujours fonctionnant comme un organe commun pour tous les États de l’intérieur, qui formaient inconsciemment une sorte de société en participation à l’égard des marchés phéniciens.

Comme l’Angleterre de nos jours, Tyr et Sidon eurent à l’extérieur de leur domaine naturel un empire beaucoup plus vaste que leur propre territoire ; avec une petitesse extrême de noyau primitif, ils arrivèrent à une longueur prodigieuse de ramifications tentaculairès. Les Phéniciens tentèrent d’acquérir les points du littoral de la Méditerranée qui pouvaient leur être utiles comme ports de refuge, de commerce et d’entrepôt, ou comme lieux stratégiques pour la domination des côtes et la surveillance des passages. Ils possédèrent le Bosphore où ils fondèrent une forteresse, Kalta, Karta ou Carthage, la Khalkedon des Grecs, la moderne Chalcédoine[1]. Au centre de la Méditerranée, ils saisirent l’île de Malte, dont le port, facile à fortifier, leur permettait de dominer les approches de la Méditerranée occidentale ; ils occupèrent aussi le promontoire isolé où se dressa la cité de Carthage, la « fille » de Tyr par excellence,

  1. Bérard, Annales de Géographie, tome V, 1895-1896, p. 258.