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l’homme et la terre. — palestine

terres cananéennes nous montrent que l’établissement des Beni-Israël fut extrêmement difficile et dut être acheté par de grandes humiliations, par des siècles de combat, des alliances et des apostasies de toute nature.

Le livre des Juges n’étant en réalité qu’un recueil où se mêlent de la façon la plus disparate des hymnes de guerre et de vagues souvenirs, l’imagination populaire, toujours gonflée de vanité puérile, a pu se figurer, à propos d’anciens conflits, que rien n’avait pu résister à la vaillance des aïeux ; on doit au contraire constater qu’après des siècles de résidence dans la vallée du Jourdain et dans les campagnes d’Hebron, de Samarie et de la Galilée, le pauvre petit peuple épars des Juifs faisait assez triste figure dans l’intérieur du pays dont Philistins, Cananéens et Phéniciens détenaient entièrement le littoral. Il ne brille pas non plus dans l’histoire au point de vue de l’adaptation réciproque de l’homme et de la nature. On ne peut attribuer à l’habitant des hautes terres de la Palestine aucune des découvertes qui enrichirent l’humanité ; sa civilisation fut toute d’importation. (Gustave Le Bon.)

La faible importance du peuple hébreu relativement à ses voisins nous est démontrée par ce fait même que le nom usuel de tout le pays est d’origine grecque et ne se rapporte nullement à la population sémitique, soit juive, soit cananéenne, éloignée de la mer. Les Hellènes, qui nous ont légué leur nomenclature géographique, ne connaissent point le pays d’Israël. Ils ne mentionnent que la Palestine, c’est-à-dire la terre des Plesti (Phlisti, Phlisti-Creti), gens de commerce et de pillage, qui s’étaient installés sur le littoral au sud du mont Carmel à l’époque où la Crète et Sidon possédaient l’hégémonie maritime et dominaient sur les vagues. Les Philistins avaient fondé sur la côte une confédération militaire qui fut souvent redoutable à ses voisins — c’est une flottille partie d’Ascalon, qui, il y a trente et un siècles, détruisit une escadre sidonienne et mit fin à l’hégémonie de la « mère de Tyr » — ; sur terre, pendant six siècles, les Israélites, « Barbares » de l’intérieur, se heurtèrent impuissants contre la Pentapole philistine ou Ligue des « Cinq Villes ». Très mélangés d’éléments divers par suite de leurs constantes expéditions sur le pourtour de la Méditerranée orientale, ces Philistins devaient présenter un caractère double, reflétant les traits des peuples avec lesquels ils se trouvaient en con-