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journal de la commune

En 1848, Rousseau, l’idéaliste du Vicaire Savoyard, était encore en grande faveur. En 1871, on lui préfère Voltaire. Mais, jadis, on eût brûlé la guillotine aux pieds du Crucifix.

Pâques, 9 avril.

Les nouvelles de la province sont désastreuses pour la Commune. Une série nouvelle d’insuccès, soulèvements partiels qui, éclatant sans ensemble, sont facilement réprimés les uns après les autres.

Dès le 25 avril, Périgueux faisait une manifestation pacifique, qui tout naturellement a été traitée de factieuse. Le gouvernement de Versailles avait ordonné de lui envoyer au plus vite des wagons blindés, armés de canons, garés dans les ateliers de la compagnie. — « C’est pour s’en servir contre nos frères de Paris », dirent les ouvriers qui refusèrent de toucher aux wagons. Le préfet s’en mêla : il tâcha de ramener ces « malheureux égarés à de meilleurs sentiments ». Il en fut pour ses frais d’éloquence : la ville s’en émut, et, dans la soirée, des groupes nombreux se dirigèrent vers la Préfecture, tambour en tête. Sur le drapeau blanc des manifestants, on lisait : Vive la République ! À bas la guerre civile !

À cinq heures, la manifestation s’était déjà dissoute d’elle-même. Mais dans la nuit arrivaient 2 000 soldats qu’on répartit par la ville qu’on fit camper dans les ateliers, les abords de la station étant gardés militairement sur une grande étendue. Et les wagons blindés partirent pour Versailles.

Limoges a eu sa commune aussi, mais sa Commune n’a duré que deux à trois jours. Elle avait été proclamée à l’occasion d’un régiment de ligne qui avait refusé d’entrer dans la guerre civile et d’être envoyé contre Paris. Les soldats se dirigeaient vers la gare aux cris de Vive la République ! accompagnés par les bravos de la foule. À la station, ils déclarèrent qu’ils ne se battraient point contre leurs frères de Paris. Et, comme preuve de leur sincérité, ils remirent aux ouvriers qui les entouraient leurs fusils et cartouches et rentrèrent en ville. L’attitude énergique qu’ils venaient de prendre malgré leurs officiers, fit une telle impression sur le peuple que des centaines de bras se levèrent pour les porter en triomphe, on nageait dans le délire patriotique