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journal de la commune

Il semblerait que, si nos lignards sont mis sur le pied de guerre en face de l’ennemi, leur ennemi devrait être également traité sur le pied de guerre. Mais non pas ; malgré l’exemple des fédérés et des confédérés dans la guerre civile des États-Unis, Versailles ne veut pas que nos fédérés de Paris, avec leur armée de cent mille hommes et leurs cinq cents canons, soient autre chose qu’ « une poignée de factieux », qu’une bande de malfaiteurs. Les lignards sont des belligérants qui n’ont pas de belligérants en face d’eux. Par une fiction double qui se contredit elle-même, M. Thiers dit à ses troupes : Considérez-vous comme des soldats combattant l’étranger. Mais les Parisiens que vous combattez, ne les considérez pas comme Français, pas même comme étrangers, traitez-les en assassins, c’est-à-dire soyez assassins vous-mêmes.

C’est ainsi qu’ils en ont agi avec Flourens et Duval.

Voici par exemple comment se comporte Monsieur le Marquis de Galliffet, qui, désormais, sera fameux autrement que par ses prospères infortunes conjugales à la cour des Tuileries.

Monsieur le Marquis était avant hier à Chatou à la tête de cinq à six cents hommes de cavalerie. Quelque espion l’informe de la présence de trois gardes nationaux déjeunant chez un marchand de vin. À la tête de ses six cents chevaux, il s’élance aussitôt comme un foudre de guerre, il fond sur la maison du marchand, la cerne, s’empare bientôt des trois fédérés ; un capitaine, un sergent, un garde national : « Misérables, à genoux » ! cria le héros Galliffet. Deux se résignèrent et furent fusillés dans cette posture. Le capitaine résista, se débattit, on lui cassa la tête à bout portant.

Jeudi, 13 avril.

Nous avons beau dire, nous avons beau faire, la guerre est immorale et ne peut être qu’immorale dans tous ses actes et sous tous ses aspects. La guerre offensive que nous fait Versailles est immorale, mais la guerre défensive par laquelle nous lui répondons n’est pas moins immorale. Même à certain point de vue on peut dire qu’à tort ou à raison, la conscience humaine supporte dans la guerre défensive des horreurs et des extrémités qu’elle rejetterait