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journal de la commune

bien que toutes ses manœuvres tendent à la maîtriser, la supprimer, l’enrayer. Paris est persuadé que le nocturne coup de main du 18 mars n’a été perpétré par MM. Thiers et Vinoy que pour désarmer la garde nationale républicaine et livrer ensuite la France par surprise aux caprices d’une coterie Orléans-Bourbon.

La Ligue demande donc en premier lieu la reconnaissance solennelle de la République par l’Assemblée. Cet acte décisif suffirait peut-être déjà pour faire tomber les armes de toutes les mains.

M. Thiers ne veut pas qu’on en parle à l’Assemblée. Est-ce parce que l’Assemblée se refuserait à reconnaître la République et, par là, donnerait à la résistance de Paris une indiscutable signification ? M. Thiers n’a pas la franchise de l’avouer. Tout au contraire, il insinue que la France est nominalement en république et que ce nom doit suffire. Qu’importe ! si M. Thiers, le chef du pouvoir exécutif, existe et qu’il porte ce nom, la République elle-même existera.

À cette réponse, les plus naïfs parmi nos concitoyens de Paris se sont récriés et ont compris que la République n’avait de salut que dans la résistance à outrance… Quoi ! le maintien de la République n’aurait pour garantie que la parole d’honneur du véridique M. Thiers ? Quoi ! la République ne durera pas plus longtemps peut-être que la présidence de M. Thiers ? Mais M. Thiers est un vieillard de 80 ans, il peut mourir dans les six mois… M. Bonaparte, lui aussi, avait juré de maintenir la République tant qu’il en serait le Président… C’est ce qu’il a fait jusqu’au jour où il lui a pris la fantaisie d’échanger son titre de Président pour celui d’Empereur… sans compter que M. Thiers est un simple délégué de l’Assemblée souveraine, qui le peut destituer en un quart d’heure. M. Thiers peut tout affirmer, M. Thiers peut tout promettre, l’Assemblée peut ne rien tenir. Qu’il soit honnête ou malhonnête, M. Thiers par ses affirmations n’engage pas plus l’Assemblée qu’un maître n’est engagé par un des billets qu’il plaît à son valet de souscrire.

Après cette fin de non recevoir, après ce faux fuyant, les délégués de l’Union républicaine eussent mieux fait peut-être de clore l’entretien. Ils ont cru devoir aller jusqu’au bout et présenter la totalité de leur programme.