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journal de la commune

flexible auteur des Propos de Labienus, un des élus par un nombre insuffisant de votants, n’a pas voulu accepter sa validation extralégale.

« J’ai refusé, écrit-il à ses lecteurs, parce qu’une acceptation m’eût rendu bénéficiaire et par conséquent solidaire d’une mesure que je condamne… Mais, dira-t-on, le milieu électoral était modifié par l’émigration et une modification de la loi était devenue nécessaire. Sans doute, mais il fallait la faire à temps, et non après coup. Nul n’est tenu d’obéir à une loi qu’il ignore, et électeurs et candidats ont ignoré votre loi puisqu’elle n’était point faite… si bien que deux lois différentes ont régi nos opérations électorales, commencées avec l’une, terminées avec l’autre. Dès l’abord, les électeurs n’ont pas su ce qu’ils faisaient, et à la fin, ils ont pu être étonnés de ce qu’ils avaient fait… »

Ici se place la redoutable question de la dictature. Si la dictature comme la force est neutre et devient bonne et légitime au service d’une cause juste, encore faut-il qu’elle s’annonce, se déclare, s’affirme hautement, clairement, intelligemment sans se confondre avec ce qui n’est pas elle, sans se mêler à la légalité. Il ne faut pas qu’une mesure soit moitié légale, moitié dictatoriale. Il faut qu’on sache si on a affaire à une volonté ou à une loi. Les deux situations sont peut-être acceptables à la raison, mais on aime à savoir dans laquelle on se trouve.

Félix Pyat, la personnalité révolutionnaire la plus en vue parmi les nouveaux élus, a également refusé sa validation et a fortement motivé sa non-acceptation.

« La majorité de la Commune s’est trompée. Les élus n’ont pas le droit de remplacer les électeurs. Les mandataires ne doivent pas se substituer au souverain. La Commune ne peut créer aucun de ses membres, ni les faire, ni les parfaire. Elle ne peut de son chef fournir l’appoint qui manque pour leur nomination légale… »

Néanmoins Félix Pyat pousse dans son journal Le Vengeur un cri de regrets, car il se croit, malgré Blanqui, le vrai père de la Commune de Paris :

« Déserter la Commune ! Abandonner mon enfant ! Pardonnez-moi ce cri d’orgueil paternel. La Commune, c’est l’œuvre de ma vie. La Commune, les proscrits l’ont emportée à Londres et rapportée à Paris. Je l’ai gardée vingt ans en