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journal de la commune

15 avril.

Sur cette douloureuse et difficile question des représailles, le poète veut être entendu. Nous faisons silence et l’écoutons :

PAS DE REPRÉSAILLES

Je ne fais point fléchir les mots auxquels je crois :
Raison, progrès, honneur, loyauté, devoirs, droits.
On ne va point au vrai par une route oblique.
Sois juste ; c’est ainsi qu’on sert la République ;
Le devoir envers elle est l’équité pour tous ;
Pas de colère ; et nul n’est juste s’il n’est doux.
La Révolution est une souveraine.
Le Peuple est un lutteur prodigieux qui traîne
Le Passé vers le gouffre et l’y pousse du pied ;
Soit. Mais je ne connais, dans l’ombre qui me sied,
Pas d’autre majesté que toi, ma conscience.
J’ai la foi. Ma candeur sort de l’expérience.
Ceux que j’ai terrassés, je ne les brise pas.
Mon cercle, c’est mon droit, leur droit est mon compas
Qu’entre mes ennemis et moi tout s’équilibre ;
Si je les vois liés, je ne me sens pas libre ;
À demander pardon, j’userais mes genoux
Si je versais sur eux ce qu’ils jetaient sur nous.

Jamais je ne dirai : — Citoyens, le principe
Qui se dresse pour nous, contre nous se dissipe ;
Honorons la droiture en la congédiant ;
La probité s’accouple avec l’expédient. —
Je n’irai point cueillir, tant je craindrais les suites,
Ma logique à la lèvre impure des jésuites ;
Jamais je ne dirai : « Voilons la vérité ! »
Jamais je ne dirai : « Ce traître a mérité.
Parce qu’il fut pervers, que moi, je sois inique ;
Je succède à sa lèpre ; il me la communique ;
Et je fais, devenant le même homme que lui,
De son forfait d’hier, ma vertu d’aujourd’hui.
Il était mon tyran, il sera ma victime. »
Le talion n’est pas un reflux légitime.
Ce que j’étais hier, je veux l’être demain.
Je ne pourrais pas prendre un crime dans ma main