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journal de la commune

de brigandage vont repaître la crédulité vorace des sept millions de plébiscitaires !

Et cependant, nous ne pouvons pas encore nous mettre en colère. Ce blocus de nouvelles, ces menaces de guerre civile après la honteuse et désastreuse guerre contre l’étranger, les six cents députés ruraux, le ricaneur Picard, le pleurnicheur Favre, Thiers le petit baladin, avec sa vanité colossale, il nous est impossible de les prendre au sérieux… Jadis les drames se terminaient par des bouffonneries, est-ce que la farce d’aujourd’hui aboutirait à une tragédie sanglante ?… Mais en ce moment est-il possible de rien prévoir ? Avec les événements courant à la vapeur, train express, ce qui était possible le matin est impossible le soir, ce qui est déraisonnable maintenant ne le sera plus dans quelques heures. Qu’avons-nous à prévoir ? C’est à peine si nous pouvons nous souvenir, tant est grande la différence entre la veille et le lendemain !

Arrêtons-nous un instant et constatons le fait : il en vaut bien la peine, il est peut-être unique dans l’histoire. C’est la plus sérieuse réalisation de l’anarchie qu’utopiste ait jamais pu rêver. Légalement, nous n’avons plus de gouvernement, plus de police ni de policiers, plus de magistrats ni de procès, plus d’huissiers ni de protêts, les propriétaires s’enfuient en foule abandonnant les immeubles aux locataires, plus de soldats ni de généraux, plus de lettres ni de télégrammes, plus de douaniers, de gabelous et de percepteurs. Plus d’Académie ni d’Institut, les grands professeurs, médecins et chirurgiens sont partis. Émigration en masse du « Parti de l’Ordre et des Honnêtes gens », les mouchards et les prostituées ont suivi. Paris, l’immense Paris est abandonné aux orgies de la vile multitude, aux frénésies de la masse impure, aux fureurs de la canaille, aux appétits du prolétariat immonde. Paris est devenu la chose des pillards, des athées, des assassins, des communistes et démagogues. Les amis du Gouvernement lui reprochent d’avoir manqué de fermeté. Je crois plutôt que le petit Thiers a fait un coup d’audace. Sûr et certain que les révolutionnaires n’auraient rien de plus pressé que de s’entre-dévorer et s’entre-déchirer, il les abandonne à eux-mêmes. Il a évoqué la République Rouge, et quand elle a