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journal de la commune

les auteurs du coup de main n’y étaient plus, les fédérés la trouvèrent vide quand ils se présentèrent pour la réoccuper.

Les gardes nationaux de certains bastions se plaignent que la nuit sifflent à leurs oreilles des balles qu’on leur envoie de derrière. Aux Ternes, où cependant il pleut assez de boulets lancés par les artilleurs de M. Thiers, qui ont la maladresse de faire tomber leurs obus en plein quartier Saint-Honoré, aux Ternes, on prétend que des passants ont été blessés par de lâches scélérats dissimulant un fusil à vent derrière quelque rideau ou quelque jalousie. De trahisons, d’espionnage et de mouchardises, nous avons les oreilles rebattues ; le peuple n’est que trop enclin à en voir partout. Il nous est extrêmement pénible d’entendre d’infâmes soupçons déversés avec une légèreté coupable sur tel ou tel membre de la Commune ou du Comité Central, n’importe qui, peut-être même par des collègues.

Et M. Thiers se frotte les mains, il se vante auprès des intimes d’avoir contre Paris des moyens plus puissants que les batteries de Montretout. Et ce qu’il y a de plus redoutable que les trahisons, ce sont les suspicions et les défiances qu’elles engendrent.

Mardi, 4 mai.

La Commune vient de me charger d’un emploi plus honorable qu’important et dans lequel il ne me sera pas possible avant quelque temps de rendre au public de très grands services. On avait besoin d’un homme de confiance, on a jeté par hasard les yeux sur moi, on m’a proposé et j’ai accepté. J’avais besoin de me compromettre, moi aussi, pour la Commune et de faire autre chose pour elle que des vœux impuissants et donner çà et là quelques conseils inutiles. Je suis loin d’admirer la Commune ; je la blâme même souvent, ignorant peut-être toutes les difficultés contre lesquelles il lui faut lutter ; tantôt je lui reproche le trop et tantôt le trop peu, le quand et le comment — mais je sens que, si la Commune périt, nous périssons tous avec elle. La conduite de nos généraux, la direction qu’ils donnent à la campagne ne me plaît qu’à demi, mais que notre armée triomphe ou soit vaincue, je veux avoir compté dans ses rangs, et, puisque je n’ai pas de concours militaire à lui